DEUX LIBRES LECTURES DE GRÜNEWALD
Présentation de l’ouvrage Grünwald-Velickovic,”Un absolu du visible”. Le mercredi 18 juin 2014 à la Maison de la Chasse et de la Nature de 11h30 à 15h30, 60 rue des Archives 75003 Paris
L’une des compositions plastiques les plus admirables de l’Occident est paradoxalement le fait d’un artiste incertain auquel l’histoire a donné un nom de fortune. Matthias Grünewald est cette identité qui est presque une absence alors que l’œuvre qu’elle recoupe constitue une surprésence, à travers certes tous ses avatars dont la plupart sont prodigieux, mais surtout l’un, le retable d’Issenheim, qui s’élève jusqu’à un absolu du visible. Ce polyptyque a beaucoup fait songer. Il est inouï par chacun de ses panneaux, le moindre détail est un appel à la vision, l’ensemble pris dans sa globalité est enivrant.
Une telle prouesse a toujours arrêté, elle a suscité la fascination et le goût de rivaliser : de la réplique picturale au commentaire poétique. Il est loin d’être indifférent de vouloir y revenir aujourd’hui par un livre mêlant mots et images. En l’occurrence, les grands textes en sympathie de Huysmans sont accompagnés par des figures de Velickovic, le livre offre en parallèle deux lectures de la sublime densité proposée par Grünewald
Le comble de la douleur et du salut ne pouvait qu’attirer Huysmans. Grünewald doit être considéré comme sa préférence intime en peinture, les angles d’attaque retenus pour son retable annoncent les diverses étapes de la vie de l’écrivain : l’outrance dans le rendu morbide, la subtilité des signes et l’anéantissement dans l’illumination. Par la chair de sa langue, Huysmans répond au tumulte et à la toute paix. Déjà, dans son roman Là-bas, il avait consacré au Grünewald d’une autre Crucifixion des pages splendides, mais c’est dans son essai très baudelairien des Trois Primitifs qu’il donne une équivalence verbale de son modèle. Il souffre avec lui, il gémit de joie et de gloire en sa compagnie. Il s’abîme en lui et il est au faîte de sa langue.