21 novembre 2024

André Malraux et moi par Sylvie Carbonel, pianiste

   J’ai connu la famille Malraux à l’occasion des fiançailles de ma cousine germaine, Marie-Ange, avec Gauthier le fils ainé d’André, qui est devenu un familier de la maison.

Des liens forts se sont immédiatement installés entre Madeleine André et moi grâce à l’art  et particulièrement la musique, Madeleine Malraux étant pianiste.

André Malraux a toujours considéré la musique comme un art majeur et il m’a demandé de jouer pour lui  notamment lors de rencontres chez notre amie commune Bicot Colcombet, important mécène de la vie musicale, qui organisait des diners chez elle dans son bel appartement Art Déco avenue Malakoff.

 La salle à manger en estrade dominait le salon ou trônait le piano demie queue Steinway au milieu des beaux livres et des Gallé.

Diners en petit comité réunissant des artistes,  des écrivains, des journalistes  …..

Je me souviens d’une soirée pleine de gaîté  avec André, Arletty et mon amie Fanfan, qui m’a permis de découvrir un Malraux plein d’humour, plaisantant ….. Ce soir-là j’ai joué Satie et Chopin.

Pour l’obtention de ma bourse américaine Harkesss il me fallait trois lettres de parrainage, André m’a très  gentiment écrit l’une d’elles.   

Je me suis retrouvée à New York en même temps que Madeleine Malraux et nous avons partagé de merveilleux moments de connivence ; j’allais à ses concerts et elle aux miens.

J’ai également tissé  les liens d’une profonde amitié avec Alain Malraux, très enrichissante et toujours bien vivace à ce jour.

A mon retour à Paris, Malraux n’étant plus ministre, résidait à Verrières, et m’invitait fréquemment  à jouer pour lui les compositeurs qu’il affectionnait particulièrement tels Satie, Chopin, Moussorgski, Brahms, Debussy, Ravel…..

André me recevait  l’après-midi dans le magnifique salon bleu donnant sur le parc, d’ abord en compagnie de  Louise de Vilmorin, puis seul.

Il me servait à boire, se servait un Whisky bien tassé ; après quelques échanges sur l’actualité, je me mettais au piano, André me  laissait le choix des œuvres et prenait grand plaisir à m’écouter. il s’en suivait des échanges passionnés.

Un jour je lui jouais les Tableaux d’une Exposition en respectant les tempi et les annotations portés par  Moussorsky sur la partition et avec beaucoup de puissance ; Malraux me racontât alors qu’il avait entendu Prokofieff  jouer la Première Promenade dans la nuance « piano », je la rejouai ainsi et fus frappée par une atmosphère intimiste donnant un charme mélancolique  inattendu dans cette œuvre !

Ces rencontres se terminaient par des discussions passionnantes sur la musique, la littérature, la peinture, la politique et des thèmes plus personnels ; discussions fascinantes,  enrichissantes et sources d’inspirations pour la compréhension et l’interprétation des œuvres.

Je serai toujours reconnaissante à André pour ce qu’il a apporté sur le plan spirituel à ma vie.