Peu d’études critiques ont accordé une place au mythe dans la pensée de
Malraux. Autodidacte, ce dernier est allé au-devant de la culture ; il n’a pas été
formé par l’institution. Raison ou discours, le logos n’est pas ici ce qui
prime ; avec ce qu’il draine d’originel et d’irrationnel, le muthos, au contraire,
inspire sa démarche.
D’Antigone à Prométhée, quelques ‘gures fascinent Malraux. À La
Psychologie de l’art, l’essayiste adjoint « Les Métamorphoses d’Apollon ».
Cependant, Saturne est la seule instance mythique, qui domine tout un livre.
Saturne. Le Destin, l’Art et Goya montre comment le génie multiplie les
recherches techniques pour lutter contre l’irrémédiable.
Saturne : un mythe personnel ? Il interpelle d’abord Malraux en tant que
penseur. Celui-ci voit en ce monstre dévorateur une parabole de la condition
humaine. Mais Saturne l’interroge aussi en tant qu’esthéticien. Dès que Malraux
se délivre d’un mode de penser soumis à la chronologie, d’opposant, Saturne
devient adjuvant : il participe à la dynamique de la geste esthétique, soutenant
l’enchaînement des imaginaires, de l’éternel à l’intemporel. Il semblerait que
Malraux ait inventé les métamorphoses de Saturne.
Évelyne Lantonnet, normalienne, docteur en Littérature française (ParisIII),
s’est toujours intéressée aux relations entre l’art et l’écriture. Sa thèse a porté
sur la création artistique dans les essais de Malraux. Elle a participé à de
nombreux colloques internationaux et organisé plusieurs rencontres au sein des
Amitiés Internationales André Malraux. Sous la direction de Jean-Claude Larrat,
elle a collaboré au Dictionnaire André Malraux. Elle est responsable éditoriale de
la Revue des Lettres Modernes.