UN TEMPS FORT DE MÉMOIRE ET UN GRAND MOMENT D’ÉMOTION
Avant la conférence et la séance de signature de son livre « Les souvenirs viennent à ma rencontre », au théâtre Olympe de Gouges, ce grand résistant s’est rendu à la villa des Pâquerettes où il se trouvait à l’été 1943, dans ce lieu de mémoire qui lui a permis de vérifier ses souvenirs d’une fausse alerte au cours de laquelle il a bien cru qu’il allait subir une arrestation…
Oui, ce fut un grand moment. Ce 7 février, nous avons, au théâtre Olympe de Gouges de Montauban, après l’intervention de Robert Badinier, délégué régional Midi-Pyrénées de « Mémoire et Espoirs de la Résistance » grâce à la ténacité duquel nous bénéficions de ce privilège, partagé avec Edgar Morin des moments de vie qui font partie de notre histoire et puis écouté quelques unes de ses pensées sur notre crise de civilisation. Edgar Morin que nous espérons tous revoir bientôt !
Le mot de bienvenue par Robert Badinier
Mesdames, messieurs, chers amis, cher Edgar Morin,
Merci Monsieur le Proviseur, Michel Carrié, malgré les délais qui vous étaient impartis, pour avoir réussi à mobiliser une classe témoin en l’associant à notre travail de mémoire.
Merci Monsieur Cédric Roélandt, professeur de philosophie, pour la remarquable préparation pédagogique que vous avez réalisée avec vos 34 élèves de terminale L3.
Ce n’est pas étonnant, le lycée Michelet a toujours été très impliqué dans la mémoire de la Résistance. L’exemple que vous avez donné est à la hauteur de l’événement culturel que nous avons si patiemment préparé pour accueillir aujourd’hui Edgar Morin.
Merci Monsieur le Proviseur, Michel Carrié, malgré les délais qui vous étaient impartis, pour avoir réussi à mobiliser une classe témoin en l’associant à notre travail de mémoire.
Merci Monsieur Cédric Roélandt, professeur de philosophie, pour la remarquable préparation pédagogique que vous avez réalisée avec vos 34 élèves de terminale L3.
Ce n’est pas étonnant, le lycée Michelet a toujours été très impliqué dans la mémoire de la Résistance. L’exemple que vous avez donné est à la hauteur de l’événement culturel que nous avons si patiemment préparé pour accueillir aujourd’hui Edgar Morin.
Nous avons eu l’impression depuis quelques mois de vivre un rêve éveillé par messages interposés. Aujourd’hui, ce rêve est devenu réalité : le public venu très nombreux à votre rencontre en est le plus beau témoignage. Les lycéens de Michelet que nous sommes très heureux d’accueillir ont saisi la chance inouïe de pouvoir dialoguer avec l’un des plus ardents défenseurs de la démarche éducative qui a conceptualisé la pensée complexe. Elle est en filigrane dans son engagement dans la Résistance et constitue la trame de toute son œuvre. Cet « anthropologue-humanologue » comme il se définit, est soucieux de favoriser le parti de l’humain et l’art du vivre ensemble. L’éducateur, avec vous, parvient à élever l’âme de l’éducation, en faisant respirer à pleins poumons la poésie de la vie. Il découvre que rien ne peut prendre corps sans l’esprit qui, en mourant à notre inhumanité, fait renaître à la vie. C’est le regard d’amour qui révèle la beauté du monde et l’avenir de l’humanité. Il donne raison à la vie.
Notre projet de mémoire a commencé à se concrétiser en juillet dernier dans un petit village lotois, Sabadel-Lauzès, par un hommage à Florence Malraux qui avait passé une partie de son enfance au début des années 40 , accueillie par un couple d’instituteurs particulièrement courageux, dignes des valeurs de notre République. La conférence et la dédicace de votre livre de souvenirs en est le prolongement. Martine de Toffoli représente aujourd’hui son époux Patrick, maire de Sabadel-Lauzès et son conseil municipal.
Nous sommes très honorés de vous recevoir à Montauban, cher Edgar Morin, dans notre ville d’art et d’histoire, pour partager avec vous ce temps fort de mémoire qui permettra de faire connaître un passé faisant partie du patrimoine de Montauban. Il serait trop long d’en faire l’historique, l’occasion nous en sera donnée prochainement lorsque nous inaugurerons à Montauban l’espace Clara et Florence Malraux, puisque nous avons désormais la preuve de l’historicité de la villa des Pâquerettes située en haut de l’avenue Charles de Gaulle. Clara Malraux s’y était repliée en 1943 avec sa fille, en compagnie de Madeleine Lagrange, veuve de l’ancien ministre du Front populaire et son fils Serge.
Nous sommes très fiers que vous ayez accepté d’être le président d’honneur des Amitiés Internationales André Malraux. C’est André Malraux qui vous avait nommé membre de la première commission d’avances sur recettes du Centre national du cinéma à laquelle vous avez participé « avec passion ». Vous avez manifesté une amitié indéfectible envers les membres de la famille Malraux. Vous l’affirmez d’ailleurs,avec force : « Il est vrai que les livres d’André Malraux ont eu une importance capitale dans ma jeunesse et pour ma génération, et que je l’ai toujours admiré ; il est vrai que Clara a eu une grande influence sur moi, et que notre lien de 1940 à son décès n’a pas cessé ; il est vrai aussi qu’une grande affection m’a lié à Florence, depuis ses six ans je crois, jusqu’à ses derniers jours, ma plus longue amie. Ces trois Malraux font partie vivifiante de mon destin».
Je voudrais dire au nom de mon équipe un grand merci à Madame le maire de Montauban qui a mis à notre disposition ce beau théâtre Olympe de Gouges ; à Jean Novosseloff, Président des Amis de la Fondation de la Résistance qui n’a pas hésité à venir de Paris pour soutenir notre travail de mémoire ; à Pierre Coureux, Président des Amitiés Internationales André Malraux que je représente aujourd’hui en tant que correspondant des Amitiés Internationales André Malraux pour le Tarn-et-Garonne, il a hélas été retenu par des obligations familiales, mais il est de tout coeur avec nous; au lieutenant-colonel Philippe Bon, président de la Société des Membres de la Légion d’Honneur, qui a accepté de parrainer cette rencontre ; à Francine Théodore-Lévêque, déléguée régionale Midi-Pyrénées du comité français de Yad Vashem ; à la famille de Blanche Robène, qui avait accueilli Edgar Morin en 1943 à Pechbonnieu, représentée par sa fille, son petit-fils et son arrière petite fille ; aux choristes du lycée Théas et à leurs professeurs, Sophie Grébert et Marie-Cécile Fayolle . Nous tenons à remercier enfin Nadège Loublier de la librairie « La femme renard » qui a organisé la séance de signature ; Monique Valat pour l’accueil chaleureux qu’elle a réservé à notre projet ; et Elisabeth Cerqueira avec laquelle nous avons pu faire ce matin avec Edgar Morin la visite de la villa des Pâquerettes.
Le documentaire que nous allons projeter maintenant a pour but de rappeler quelques faits marquants de sa vie et de son œuvre. Edgar Morin prendra ensuite la parole. Nous avons prévu entre les deux parties de sa conférence, son engagement résistant et la crise de civilisation, un intermède au cours duquel je ferai la lecture d’une anecdote extraite de son livre de souvenirs qu’il confrontera avec les lieux réels où elle s’est déroulée, la villa des Pâquerettes. Avant de passer à la séance de dédicace au rez-de-chaussée et au cocktail au premier étage, Brigitte Barèges remettra à Edgar Morin la médaille de citoyen d’honneur de Montauban. Puis nous nous lèverons pour entendre le Chant des Partisans. La rencontre se terminera par l’interprétation de couplets de l’hymne européen en allemand et en français.
Edgar Morin, l’engagement dans la Résistance
Deuxième guerre mondiale… Résistant juif dans la clandestinité … il fallait changer de nom. Il voulait s’appeler Magnin, à l’instar du personnage marquant de « L’Espoir » tant imprégné d’A. Malraux, son auteur. On entendra Morin et ce sera Morin. Merci Edgar Morin pour tout !
Entouré du public nombreux et très attentif du théâtre Olympe de Gouges de Montauban, vous nous avez parlé de vos vingt ans : « Les souvenirs viennent à ma rencontre » avez-vous écrit, nous sommes venus à la vôtre … et nous avons écouté. Le contexte que vous avez retracé dans ses différentes dimensions (les premiers noyaux de résistance dans une atmosphère inoubliable de fraternité entre personnes de toutes origines issues des 4 coins de la France, les décrets discriminatoires de Vichy, le pacte germano-soviétique, puis l’attaque allemande contre l’URSS avec l’arrivée de nombreux résistants communistes, l’époque de « la relève », l’invasion en France de la zone sud etc …) a permis à tous d’y projeter les nombreux souvenirs d’action que vous nous avez racontés. Après vos engagements du début, vous intégrez, grâce à Clara Malraux qui partageait généreusement son réseau de relations dont Jean Krazatz qui deviendra votre adjoint, le MRPGD (Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et Déportés) dont vous étiez un éminent maillon et qui prendra l’importance que l’on sait. Aux côtés de vos frères et sœurs de lutte de la « Résistance urbaine » où vous étiez lapins toujours chassés, grisaille, précarité et danger permanents accompagnaient un quotidien illuminé par un idéal quelle qu’en soit la part d’illusion. La résistance mêlait les opinions, semant à la fois patriotisme et sens du social. En paraphrasant votre image, la part de poésie croissante de vos jours augmentait votre vie. Vos journaux, tracts, colis aux messages cachés etc étaient votre jeunesse engagée au service de la Liberté et de la France, contre l’ennemi nazi, jamais contre le peuple allemand. Ces pages fondamentales si tourmentées de notre histoire sont aussi les vôtres … et votre empreinte d’alors était prémonitoire d’une signature dont l’avenir dirait l’envergure. Il y eut Toulouse dès juin 1940 et, de là, les allers retours qui s’ensuivirent, Montauban, Pechbonnieu, Lyon, Grenoble, Paris etc, il y eut aussi toutes ces rencontres d’êtres remarquables, dont celles, si importantes, dès 1940, de Clara Malraux et de sa fille Florence, fruit de son union avec André Malraux avec qui, jusqu’à leur mort, vous serez liés d’une indéfectible amitié. Clin d’œil émouvant de Morin à Magnin…
Edgar Morin : regard sur notre « crise de civilisation »
Second temps fort de votre intervention, votre regard sur notre crise actuelle de civilisation. « Ce qui ne se régénère pas dégénère, c’est une vérité biologique », voilà, après les souvenirs, porte ouverte sur l’avenir comme sur le présent et qui convoque notre réflexion. Réflexion que vous conseillez de mener avec une vue d’ensemble et non avec des regards compartimentés comme l’époque nous y invite, quand, de surcroît, l’économie contrôle le politique et non l’inverse. Vous nous encouragez aussi à faire la part des choses : L’’individualisme donne l’autonomie certes, mais il est vecteur, lorsque non maîtrisé, de solitude. La « pénibilité » dont on parle beaucoup devient de plus en plus d’ordre psychique. Dans ce contexte où règnent, y compris dans les services publics, compétitivité, rentabilité, manque de communication, anonymat, vous nous invitez, parce qu’il y a là problème de civilisation, à stopper la dégradation des solidarités – qui d’ailleurs ne demandent qu’à revivre – comme la perte de civilité, mettre fin à l’engrenage des relations distendues, retrouver respect, cohésion et entraide : Bref, vivre au sein d’une communauté où le « je » doit être associé au « nous ». Tout peut être régénéré, y compris la démocratie et les rapports sociaux, les sources de cette régénération se trouvant en partie dans notre devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». Dans notre quête de bonheur, de satisfaction de nos aspirations, voilà qui fertiliserait la part de poésie de notre existence et favoriserait notre é